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Prise en charge sexothérapeutique pour les patientes atteintes d’endométriose

Quel intérêt d’une prise en charge en sexothérapie dans le cadre de l’endométriose ?

Selon l’Organisation Mondiale de la Santé[1], « La santé sexuelle est un état de bien-être physique, mental et social dans le domaine de la sexualité. Elle requiert une approche positive et respectueuse de la sexualité et des relations sexuelles, ainsi que la possibilité d’avoir des expériences sexuelles qui soient sources de plaisir et sans risque, libres de toute coercition, discrimination ou violence. »

La santé sexuelle des femmes atteintes d’endométriose est un véritable enjeu dans leur parcours de soin, à ce titre il peut être intéressant de proposer une prise en charge sexothérapeutique aux patientes présentant au moins une dysfonction sexuelle. Une dysfonction sexuelle féminine est diagnostiquée lorsque l’un des symptômes suivants entraine la plupart du temps une insatisfaction de la vie sexuelle et plus largement de la vie intime (d’une durée supérieure à 6 mois, et une présence dans au moins 75% des cas) :

Le Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (Fifth Edition [DSM-5])[2] comprend les types suivants de dysfonctionnement sexuel féminin, classés en fonction des symptômes :

La santé sexuelle des femmes atteintes d’endométriose est un véritable enjeu dans leur parcours de soin, à ce titre il peut être intéressant de proposer une prise en charge sexothérapeutique aux patientes présentant au moins une dysfonction sexuelle.

Certaines considérations sont incontournables pour analyser le retentissement de l’endométriose sur la santé sexuelle des femmes concernées. Bien que les prévalences de la dyspareunie profonde et de la douleur pelvienne chronique soient largement investiguées dans l’endométriose, la fonction sexuelle chez la femme et la relation avec le partenaire sexuel sont souvent sous-évaluées. En effet, la dyspareunie a été considérée pendant longtemps comme le paramètre majeur de la fonction sexuelle dans l’endométriose. L’une des premières études tentant d’évaluer la fonction sexuelle chez la femme atteinte d’endométriose réalisée en 1995 à l’aide du questionnaire Golombok Rust Inventory of Sexual Satisfaction montre un comportement d’évitement sexuel plus important par rapport aux témoins[3] engendrant une réduction des rapport sexuels[4][5].

La présence d’endométriose – tous types confondus – est associée à la baisse de la qualité de la communication sur la sexualité avec le partenaire[6]. Les patientes présentant une endométriose recto-vaginale comptent un risque trois fois supérieur d’être insatisfaites sur le plan sexuel ou de ressentir un plaisir diminué et deux fois moins de capacité à atteindre un orgasme par rapport aux patientes non atteintes[7]. Deux outils performants de l’évaluation de la fonction sexuelle féminine dans sa globalité (le questionnaire Female Sexual Function Index (FSFI) et le Female Sexual Distress Scale revised) ont permis de mettre en évidence une corrélation entre le stade de la maladie, la dyspareunie et le score aux deux questionnaires. Ils ont révélé un nombre plus faible de rapports sexuels par mois chez les femmes atteintes d’endométriose et une peur de la séparation à cause de la douleur per coïtale par rapport aux femmes indemnes de la maladie[8]. L’endométriose semble atteindre tous les domaines de la fonction sexuelle : le désir, l’excitation, l’orgasme et la satisfaction. La douleur qui en résulte génère une détresse chez 70‑75 % des patientes dans le cadre d’une maladie chronique.

Outre la dyspareunie, symptôme très handicapant impactant directement la qualité des rapports sexuels, il est donc indispensable d’évaluer les autres troubles tels que :

Les femmes atteintes d’endométriose déclarant rencontrer une difficulté sexuelle consultent peu spontanément en sexologie notamment par méconnaissance et par absence de discussion de leur sexualité avec leur équipe soignante. Or la totalité des femmes qui ont déjà consulté un professionnel à ce sujet manifeste leur satisfaction. Le fait d’orienter les patientes en consultation avec un. e sexothérapeute/sexologue permet à celui-celle-ci de déterminer la prévalence des dysfonctions sexuelles, d’identifier les représentations de la sexualité et d’ouvrir le dialogue sur les difficultés du couple.

Qu’est-ce que la sexothérapie ?

(Re) créer les conditions d’une sexualité épanouie.

La sexothérapie est une approche psychothérapeutique qui aborde la sexualité dans toutes ses dimensions pour les personnes en difficulté, en souffrance, ou simplement en recherche de réponses dans ce domaine.

Elle permet d’accompagner toute personne souffrant d’un symptôme, d’un trouble sexuel, mais également une personne ayant subi un traumatisme, un abus ou une violence d’ordre sexuel, ou tout simplement lorsqu’on se pose des questions. La. e sexologue / sexothérapeute est amené.e à explorer l’histoire de la personne dans sa globalité afin de permettre la disparition du trouble, de la souffrance, et retrouver un mieux-être intime.

Dans le cas de femmes souffrant d’endométriose, le. a professionne.le explore plus précisément toutes les dimensions de la sexualité féminine avec des questions permettant l’étude du désir, de l’excitation, de la lubrification, de la douleur, de la fréquence de l’activité sexuelle, de la réceptivité, du plaisir et de l’orgasme, de la satisfaction relationnelle, les tabous eu égard à la sexualité,…

La pratique d‘une sexologie humaniste, qui consiste à considérer la personne qui consulte dans sa globalité (et non pas seulement une approche génito-centrée) élargie le champ de la sexualité à l’exploration de l’érotisme dans la quête d’un mieux-être intime, affectif et émotionnel. La sexothérapie va permettre de continuer l’apprentissage érotique, de définir les envies et les besoins.

La sexualité coïtale est fortement déconseillée en cas de douleur à la pénétration, en attendant de trouver une solution. Le professionnel de santé invite la patiente à développer la sensorialité, la sensualité, à restaurer les autres moments de la sexualité non pénétrative, afin de susciter un plaisir partagé.

Quel est l’intérêt pour la patiente et le couple ?

La dyspareunie, la dysfonction sexuelle féminine et l’infertilité (ou l’appréhension de celle-ci) peuvent avoir un impact négatif sur la relation avec le partenaire et sa fonction sexuelle, spécialement chez les couples les plus jeunes. Des études sur l’endométriose se sont intéressées à la qualité de la conversation sur la sexualité avec le partenaire[9][10]. Ainsi, 34 % de femmes déclarent avoir des problèmes avec leur partenaire à cause de l’endométriose pouvant aller jusqu’au divorce dans 10 % des cas. La rupture ou le divorce étaient attribués à la diminution des interactions sociales dues à la maladie et à l’incapacité du partenaire à tolérer la symptomatologie chronique, mais la part réelle de ces ruptures qui est liée aux problèmes sexuels est difficile à objectiver. La conséquence de la dyspareunie chez le partenaire, avec ou sans trouble sexuel associé, est peu connue. Les partenaires masculins de femmes atteintes de vestibulodynie provoquée souffrent également des conséquences de la douleur subie par leurs partenaires, impliquant ainsi un stress psychologique, pouvant engendrer des difficultés sexuelles allant jusqu’aux troubles de l’érection et la diminution de la satisfaction sexuelle[11][12].

La prise en charge sexothérapeutique en couple permet de faire une place au partenaire dans le parcours de soin de la patiente et de travailler sur la dynamique de la sexualité du couple. En effet, dès que le couple s’implique dans la thérapie ensemble, les patientes parviennent plus facilement à lâcher prise et les dysfonctions s’améliorent alors plus spontanément également.

Comment une sexothérapie se déroule-t-elle ?

Les consultations se font en individuel ou en couple, en cabinet ou en visio.

En individuel, la sexothérapie permet d’explorer l’histoire intime de la personne dans sa globalité afin de permettre la disparition du trouble, de la souffrance, et retrouver un mieux-être.

A partir de l’anamnèse de la santé sexuelle de la patiente, il est possible de proposer notamment :

En couple, la sexothérapie a en plus pour but de créer ou de recréer un climat favorable à la sexualité : climat de détente, d’érotisme et d’échange.

Le nombre de séances reste relatif. Il n’y a pas d’association logique entre un nombre d’entretiens et une problématique définie, il est question de déclics, de personnalité, de contexte…et de ce qui se passe entre les séances. Idéalement 5-6 séances permettent déjà une évolution satisfaisante.

 

Rédigé par Céline Vendé, Sexothérapeute à Bordeaux

bibliographie

[1] https://www.who.int/fr/health-topics/sexual-health#tab=tab_2

[2] Ter Kuile MM, Melles R, de Groot HE, et al: Therapist-aided exposure for women with lifelong vaginismus: A randomized waiting-list control trial of efficacy. J Consult Clin Psychol 81 (6):1127–1136. 2013. doi: 10.1037/a0034292 Epub 2013 Sep 23.

[3] Waller KG, Shaw RW. Endometriosis, pelvic pain, and psychological functioning. Fertil Steril 1995 ;63 :796‐800

[4] Jones G, Jenkinson C, Kennedy S. The impact of endometriosis upon quality of life: a qualitative analysis. J Psychosom Obstet Gynaecol 2004 ;25 :123‐33.

[5] Denny E, Mann CH. Endometriosis‐ associated dyspareunia: the impact on women’s lives. J Fam Plann Reprod Health Care 2007 ;33 :189‐93.

[6] Ferrero S, Esposito F, Abbamonte LH, et al. Quality of sex life in women with endometriosis and deep dyspareunia. Fertil Steril 2005; 83:573‐9.

[7] Vercellini P, Somigliana E, Buggio L, et al. ’I can’t get no satisfaction’: deep dyspareunia and sexual functioning in women with rectovaginal endometriosis. Fertil Steril 2012 ;98:1503‐11.

[8] Fritzer N, Haas D, Oppelt P, et al. More than just bad sex: sexual dysfunc‐ tion and distress in patients with endometriosis. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol 2013 ;169:392‐6.

[9] Ferrero S, Esposito F, Abbamonte LH, et al. Quality of sex life in women with endometriosis and deep dyspareunia. Fertil Steril 2005 ;83:573‐9.

[10] Fritzer N, Haas D, Oppelt P, et al. More than just bad sex: sexual dysfunction and distress in patients with endometriosis. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol 2013; 169:392‐6.

[11] Jodoin M, Bergeron S, Khalife S, et al. Male partners of women with provoked vestibulodynia: attributions for pain and their implications for dyadic adjustment, sexual satisfaction, and psychological distress. J Sex Med 2008 ;5 :2862‐70.

[12] Boerner KE, Rosen NO. Acceptance of vulvovaginal pain in women with provoked vestibulodynia and their partners: associations with pain, psychological, and sexual adjustment. J Sex Med 2015 ;12 :1450‐62.